La reconversion professionnelle en temps de crise : Opportunité ou utopie ?

Alors que nous traversons une crise sanitaire sans précédent et dont les répercussions économiques commencent à se faire sentir, certains collaborateurs y voient l’occasion de se reconvertir professionnellement, tandis que d’autres considèrent qu’il ne faut surtout pas lâcher son poste. N’est-il pas risqué de tracer un nouveau plan de carrière alors que l’on manque de visibilité par rapport à l’avenir ? Voici ce qu’en pense Jihane Labib, Dirigeante Coachinglab, certifiée PCC par ICF, accréditée Senior Practionner par l’EMCC.

Conseil : Dans quelle mesure la crise sanitaire que nous traversons peut-elle constituer un moteur pour la reconversion professionnelle ?

Jihane Labib : La situation actuelle que nous traversons est nouvelle et surtout différente de ce qui a été connu et vécu par les individus, les sociétés et les pays, et ce, à l’échelle mondiale. La crise est, certes, sanitaire, mais ses répercussions et ses conséquences sont multiples et profondes. Elles sont d’ordre social et économique. Les bouleversements impactent ainsi directement ou indirectement l’individu et le groupe, ce qui déclenche automatiquement des questionnements et des comportements nouveaux.
Certaines personnes estiment que c’est le bon moment de penser à se reconvertir professionnellement. Or, lorsque nous parlons de reconversion professionnelle, il faut savoir qu’il s’agit d’abord d’un questionnement existentiel chez la personne, par rapport à son activité de base et de ce qu’elle lui confère comme réponse à ce questionnement :
• Ce que je fais aujourd’hui répond-il réellement à ma réalisation dans la vie et surtout à mon épanouissement ?
• Cela m’aide-t-il à me créer un environnement de vie vs communauté ?
• Suis-je capable d’assurer ma sécurité, notamment physique, économique et, surtout, sanitaire ?
En fonction des réponses collectées et surtout de son degré de satisfaction, la personne peut utiliser cette situation de crise comme un levier de transformation et un facteur pour se convertir ou non.

N’est-il pas risqué de tracer un nouveau plan de carrière alors que l’on est en pleine crise sanitaire et que l’on manque de visibilité par rapport à l’avenir ?

Pour répondre à cette question, je dirais que tracer un plan de carrière en 2020 ne veut pas dire changer d’emploi. Et c’est le point sur lequel je tiens à mettre le focus : une transition professionnelle se planifie et se prépare. D’ailleurs, selon les études et surtout un retour d’expérience, une reconversion professionnelle réussie nécessite en moyenne trois ans d’expérience, et ce, en tenant compte des ressources dont dispose la personne concernée. Par ressources, il faut souligner :
• La prédisposition de la personne à vivre le changement, non seulement sur le papier et ses projections imaginées, mais surtout dans la réalité.
• Chaque individu fait face à un processus de changement et de deuil différemment.
• Il y a également les aspects financiers de cash-flow et de recouvrement pour assurer les charges courantes et les besoins en financement des nouveaux projets.
• La famille : Quid des personnes les plus importantes dans la vie du concerné et de la concernée ? Il faut ainsi savoir quel est l’impact de ce changement sur la vie de famille, du couple, notamment en termes de temps d’engagement, de revenus et d’adhésion.
• Le projet de destination : Vérifier comment celui-ci répond-il aux questions que nous avons citées plus haut et de ne pas tomber dans le piège de changer pour changer. Il faut ainsi vérifier dans quelle mesure ce nouveau projet de carrière et de vie corrobore à l’épanouissement et à l’équilibre recherché par le candidat à la reconversion. Souvent, je rencontre en coaching de transition des cas de personnes qui souhaitent changer de profession, d’activités parce qu’elles ne s’entendent pas bien avec le manager ou les équipes ou qu’elle rencontre des difficultés à réaliser ses objectifs. Ce sont toutes des raisons ou causes qui ne seront pas résolues par la reconversion uniquement.
• Les compétences : Il est important de se pencher sur la question liée aux exigences de cette reconversion en termes de compétences : hard et soft. Par exemple, un cadre qui a passé 10 ans dans le salariat, à occuper une fonction de support où il n’a jamais eu à réaliser une tâche de vente, ni de recouvrement, mais plutôt à avoir un revenu mensuel avec des primes semestrielles, annuelles. Ce profil de personne trouvera plus de difficultés à aller chercher des clients. Dans ce cas de figure, en général, nous constatons qu’il y a de la gêne, de la pudeur et de l’orgueil par rapport aux aspects financiers. D’autres compétences restent à renforcer comme le networking, la recherche et développement de sa nouvelle activité, par exemple.
Sur un autre registre et par rapport à la visibilité, j’invite toute personne qui pense à une reconversion professionnelle à répondre aux questions ci-haut, de visiter les points que nous venons de mentionner et, enfin, de faire le bilan des activités qui vont continuer à se développer dans les circonstances actuelles et qui sont en renouvellement et parfois en rupture par rapport à ce qui a été vécu jusqu’à 2020.

Quels sont les outils d’aide à la décision que vous recommandez ?

Pour mieux prendre une décision, il est souvent recommandé de :
• Se donner l’occasion de faire un bilan de compétences : Cela permet d’évaluer où la personne est située par rapport à ses intentions.
• Réaliser sa propre étude de marché : des recherches par rapport aux activités, secteurs qui connaissent et continueront d’évoluer même après le Covid-19 vs ce que la personne aime faire et sur quoi elle est capable de s’engager.
• Entamer un business plan.
• Se faire accompagner par un coach spécialisé.

Ces trois erreurs qui coûtent cher

• Se dire : «Je vais faire comme l’autre» ! Chaque personne a ses propres ressources, ses réalités, ses croyances et son système de valeurs. En effet, les souhaits peuvent paraître pareils et le chemin peut être un seul, cependant, les cheminements sont individuels. En d’autres termes, chaque individu réagit différemment à la même réalité !
• Penser que la reconversion peut se faire sans changement interne et personnel: tous les cas de reconversions réussies ont exigé des formations adaptées, des accompagnements psychologiques et un financement à court et moyen termes.
• Ne pas se préparer au changement : Sur ce volet, il faut savoir que lorsque la personne se prépare convenablement et s’outille comme il se doit, le rêve mériterait de devenir réalité !

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JIHANE LABIB
JIHANE LABIB

Assessor, Mentor
Fondatrice de Coachinglab Academy
Coach certifiée PCC par ICF
ICF Maroc Présidente 2013-2016
Past Directrice marketing & communication

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